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Étude du projet de loi S-211

Loi concernant un cadre national sur la publicité sur les paris sportifs

Gambling

Cardus continue d’appuyer la création d’un cadre national sur la publicité des paris sportifs. Nous formulons des recommandations similaires à celles que nous avions formulées pour le projet de loi S-269 afin de renforcer le projet de loi S-211.

Mémoire

Remarque : Ce mémoire a également été présenté au Comité sénatorial permanent des transports et des communications dans le cadre des délibérations sur le projet de loi S-269 (44-1), qui est très similaire au projet de loi S-211 (45-1).

DESTINATAIRES: Députés de la Chambre des communes

EXPÉDITEURS: Brian Dijkema, président, Canada

                      Renze Nauta, directeur de programme, Travail et économie

                     Andreae Sennyah, directrice des politiques

DATE:   2 décembre 2025

OBJET : Étude du projet de loi S-211, Loi concernant un cadre national sur la publicité sur les paris sportifs

Question

La sénatrice Marty Deacon (Ontario) a présenté le projet de loi S-211. Ce projet de loi exige que le ministre du Patrimoine canadien élabore un cadre national sur la publicité sur les paris sportifs. Ce cadre
doit comprendre des recommandations visant à limiter le volume et les types de publicité, des moyens de promouvoir la recherche et le partage de données entre les gouvernements sur les préjudices du jeu, et la création de normes nationales pour prévenir et contrer les préjudices liés au jeu et la dépendance. Le projet de loi S-211 exige expressément du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes qu’il revoie son approche à l’égard de la publicité sur les paris sportifs et qu’il rende compte de son examen. À la suite de diverses consultations, le ministre doit créer un cadre national relatif à la réglementation de la publicité sur les paris sportifs dans l’année qui suit l’adoption du projet de loi et rendre compte de sa mise en oeuvre dans les cinq ans qui suivent la  publication du cadre.

Position Et Recommandations

Cardus appuie la création d’un cadre national sur la publicité sur les paris sportifs. Notre position fondamentale est que la publicité sur les paris sportifs devrait être traitée de la même manière que la
publicité sur l’alcool, le tabac et le cannabis. Ces produits sont légaux, mais comportent des risques de préjudices. La publicité sur ces produits est restreinte, à juste titre, afin qu’on y soit moins exposé, en
particulier les personnes les plus à risque. La publicité sur les paris sportifs devrait être traitée de la même manière.

Pour renforcer le projet de loi S-211, Cardus recommande au comité d’apporter les amendements suivants :

  • Recommandation 1 : Renforcer l’alinéa 3(2)a) en vue d’interdire totalement la publicité sur les paris sportifs, au lieu de simplement restreindre son utilisation.
    • Recommandation 1.1 : Au minimum, inclure dans le même alinéa une disposition visant à interdire la publicité sur les paris sportifs pendant les émissions sportives.
    • Recommandation 1.2 : Au minimum, exiger que le cadre national prévoie des mesures visant à interdire la publicité sur les paris pendant les matchs.
  • Recommandation 2 : Ajouter à l’alinéa 3(2)b) une exigence selon laquelle les mesures doivent inclure des moyens permettant aux sociétés de jeu (les sociétés privées et les sociétés d’État) de contribuer financièrement à la recherche sur les problèmes de jeu, ainsi qu’à la prévention et au traitement de ces derniers, ces contributions devant être liées aux dépenses de marketing des sociétés.
  • Recommandation 3 : Ajouter une disposition dans le paragraphe 3(2) pour définir des mesures visant à améliorer l’efficacité des messages de prévention des problèmes de jeu.

Contexte

Le contexte suivant est fondé sur notre récent rapport intitulé The Hidden Harms of Single-Event Sports Betting in Ontario [Les préjudices cachés des paris sur une seule épreuve sportive en Ontario]
(https://www.cardus.ca/research/work-economics/reports/the-hidden-harms-of- single-event-sportsbetting-in-ontario/). Nous vous invitons à lire le document complet pour les références, les données et l’analyse.

Recommandation 1 : Renforcer l’alinéa 3(2)a) en vue d’interdire totalement la publicité sur les paris sportifs, au lieu de simplement restreindre son utilisation.

  • La création d’un cadre national visant à interdire la publicité sur les paris sportifs (plutôt que de la restreindre) reconnaîtrait la réalité selon laquelle les paris sportifs sont une forme de jeu à haut risque. La prévalence de la publicité sur les paris sportifs pendant les émissions n’est pas proportionnelle à la nature à haut risque de ce produit. En fait, une étude récente a révélé que les téléspectateurs des émissions sportives en direct en Ontario sont exposés à environ 2,8 références aux paris sportifs par minute. En moyenne, 21,6 % du temps total d’écoute porte sur une référence quelconque au jeu.
  • En ce qui concerne l’attitude du public, un sondage Ipsos publié en janvier 2023 a révélé que 48 % des Canadiens estiment que le nombre de publicités sur les paris sportifs est excessif, et 63 % d’entre eux conviennent que le nombre et l’emplacement des publicités devraient être limités.
  • Ces limites auraient la plus grande incidence sur les personnes vulnérables à la dépendance au jeu, en particulier les mineurs. Le Centre de toxicomanie et de santé mentale a constaté que le nombre d’élèves de la 7e à la 12e année ayant parié en ligne a rapidement augmenté : il est passé de 4 % en 2019 à 15 % en 2021.
  • Si la légalisation des paris sur une seule épreuve sportive visait à répondre à la demande existante et à lutter contre le marché noir des paris sportifs (comme on l’affirmait à l’époque), il
    ne devrait donc pas être nécessaire de stimuler la demande au moyen de la publicité. Les gouvernements ne devraient pas autoriser la promotion de cette activité au moyen de la publicité. L’adoption d’une interdiction totale serait cohérente avec cette position.

Recommandation 1.1 : Au minimum, inclure dans le même alinéa une disposition visant à interdire la publicité sur les paris sportifs pendant les émissions sportives.

  • Le cadre devrait favoriser une interdiction partielle semblable à celle du Royaume-Uni, qui interdit la publicité sur le jeu pendant les émissions sportives en direct. Il faudrait également envisager de limiter l’utilisation de l’image de marque des sociétés de paris sur les uniformes des équipes et sur d’autres surfaces pendant un match.

Recommandation 1.2 : Au minimum, exiger que le cadre national prévoie des mesures visant à interdire la publicité sur les paris pendant les matchs.

  • Les paris pendant les matchs sont des paris qui sont faits sur divers résultats secondaires d’un match au cours d’un événement sportif en direct (par exemple, quel joueur marquera le
    prochain but). Ainsi, on peut parier sur un nombre incalculable d’événements pendant un match, et pas seulement sur le résultat du match en question.
  • À l’instar des formes de paris à haut risque, comme les machines à sous, les paris pendant les matchs présentent des caractéristiques qui peuvent créer une dépendance, comme un rythme de jeu rapide et des distorsions cognitives. Ces caractéristiques sont d’autant plus graves parce que l’accès aux paris en ligne sur les téléphones intelligents est illimité, ce qui permet aux joueurs de parier quand ils sont seuls ou qu’ils ont les facultés affaiblies par l’alcool ou la drogue. En outre, l’existence de nombreuses plateformes permet à une personne de continuer à jouer même si elle n’a pas accès à d’autres applications.
  • Les paris pendant les matchs sont les plus dangereux pour les joueurs à haut risque (ceux qui sont sujets à avoir un problème de jeu). C’est aussi la forme de paris sportifs la plus lucrative. Par exemple, en 2021, 68 % des revenus de bet365 provenant des paris sportifs en Ontario découlaient de paris pendant les matchs. Depuis 2001, l’Australie interdit totalement les paris en ligne pendant les matchs. Le cadre national devrait régir expressément ce type de paris sportifs.

Recommandation 2 : Ajouter à l’alinéa 3(2)b) une exigence selon laquelle les mesures doivent inclure des moyens permettant aux sociétés de jeu (les sociétés privées et les sociétés d’État) de contribuer financièrement à la recherche sur les problèmes de jeu, ainsi qu’à la prévention et au traitement de ces derniers, ces contributions devant être liées aux dépenses de marketing des sociétés.

  • Les sociétés de jeu investissent des centaines de millions de dollars dans le marketing, car les publicités modifient le comportement des consommateurs et augmentent le nombre de paris. Cependant, comme indiqué plus haut, les paris sportifs sont une forme de jeu à haut risque. La prévalence de ces publicités pendant les émissions sportives a des effets sur la santé publique, en particulier pour les mineurs et les joueurs à haut risque.
  • Des examens systématiques ont conclu qu’il existe une relation de cause à effet évidente entre la publicité et l’augmentation du nombre de paris. Compte tenu des risques liés à cette activité, les sociétés de jeu devraient participer activement à ce marché en tant qu’acteurs responsables. Lier leurs dépenses de marketing à des contributions obligatoires à la recherche sur les problèmes de jeu, ainsi qu’à la prévention et au traitement de ces derniers permettrait d’atteindre deux objectifs : (1) les sociétés de jeu réduiraient probablement leurs dépenses de marketing et (2) elles s’emploieraient activement à trouver des solutions aux problèmes de jeu au sein de la population canadienne.
  • Notre étude sur le marché des paris sportifs en Ontario recommande l’adoption d’une politique de financement de contrepartie dollar pour dollar. Autrement dit, pour chaque dollar dépensé en marketing, une société devrait contribuer à hauteur d’un dollar à la recherche sur les problèmes de jeu et à la prévention de ces derniers. L’étude éventuelle sur le cadre pourrait porter sur cette recommandation.

Recommandation 3 : Ajouter une disposition dans le paragraphe 3(2) pour définir des mesures visant à améliorer l’efficacité des messages de prévention des problèmes de jeu.

  • Un cadre national sur la publicité sur les paris sportifs doit prendre en compte l’efficacité des messages de prévention des problèmes de jeu, surtout si l’objectif est de réduire les effets
    négatifs des publicités en faveur du jeu.
  • Les avertissements typiques sur les préjudices liés au jeu sont trop génériques et sont souvent intégrés dans des publicités qui incitent les gens à augmenter leurs dépenses liées au jeu (“know your limit, play within it” [« Connaissez vos limites, jouez en les respectant »]). Le cadre national devrait inclure dans son étude des mesures visant à améliorer l’efficacité des messages de prévention des problèmes de jeu. Une étude internationale mise en évidence dans notre recherche a noté que les messages les plus efficaces étaient ceux qui comportaient des appels à l’action clairs (“What are you prepared to lose today? Set a deposit limit” [« Qu’êtes-vous prêt à perdre aujourd’hui? Fixez une limite de dépôt. »]).
  • Bien que tous les joueurs ne soient pas des joueurs compulsifs, certains d’entre eux dépensent plus que les montants recommandés. La nécessité de diffuser des messages de prévention des problèmes de jeu est évidente. Un joueur moyen en Ontario dépense en moyenne 283 $ par mois en jeu en ligne à partir de son compte joueur (un joueur peut avoir plusieurs comptes). La dépense mensuelle correspond au montant joué, moins les gains éventuels. En d’autres termes, le compte d’un joueur moyen en Ontario subit des pertes nettes de 283 $ par mois.
  • Les lignes directrices du Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances indiquent que les joueurs ne devraient pas dépenser plus de 1 % du revenu du ménage avant impôt pour le jeu. Pour un ménage moyen de l’Ontario, cela signifie un seuil de 89 $ par mois. Les pertes nettes par compte de joueur sont donc plus de trois fois supérieures à ce que les experts considèrent comme sûr.
    • Si l’on compare les joueurs qui consacrent moins de 0,1 % de leurs revenus au jeu à ceux qui en consacrent plus de 1 %, les joueurs qui dépassent le seuil de 1 % sont 4,3 fois plus susceptibles de subir des préjudices financiers, 4,7 fois plus susceptibles de subir des préjudices relationnels, 3,9 fois plus susceptibles de subir des préjudices émotionnels ou psychologiques, et 4,4 fois plus susceptibles de souffrir de problèmes de santé liés au jeu.