Grandes lignes
- En février 2024, Cardus s’est associé à l’Institut Angus Reid pour sonder les croyances des Canadiens qui se disent évangéliques, catholiques ou protestants traditionnels (qu’on appelle « mainline Protestant » en anglais).
- Les chrétiens «pratiquants engagés » n’adhèrent pas nécessairement aux croyances ou aux enseignements au cœur du christianisme.
- Les chrétiens de la jeune génération semblent plus résolus ou engagés à suivre les enseignements et les pratiques de la foi que les générations de leurs parents ou grands-parents.
- Peu importe la branche du christianisme à laquelle les chrétiens s’identifient, il existe un certain degré d’incohérence entre leurs croyances et les enseignements de leur confession.
- Quand on leur dit : «il n’y a qu’un seul vrai Dieu en trois personnes : Père, Fils et Esprit saint », 89 % des évangéliques, 51 % des catholiques et 57 % des protestants traditionnels sont d’accord.
- Quand on leur dit que «toutes les religions sont tout aussi vraies », 20 % des évangéliques, 54 % des catholiques et 57 % des protestants traditionnels sont d’accord.
- La résurrection de Jésus-Christ est considérée comme un fait historique pour 81% des évangéliques, 48 % des catholiques et 55 % des protestants traditionnels.
- Les évangéliques sont en désaccord à 65% que « les enseignements moraux chrétiens devraient évoluer en fonction des changements dans les attitudes de la société », alors que les catholiques et les protestants traditionnels sont d’accord à 72 % et 61 % respectivement.
- Les évangéliques sont en désaccord à 60% que « c’est le gouvernement, et non l’Église, qui est responsable de prendre soin des pauvres, des itinérants et des réfugiés », alors que les catholiques et les protestants traditionnels sont d’accord à 67 % et 54 % respectivement.
Introduction
De quelles croyances se compose la foi des chrétiens canadiens ? Quelle est leur opinion des pratiques et enseignements moraux du christianisme ? Comment vivent-ils publiquement leur foi ? Il existe très peu de recherches publiées à ce sujet. En quête de réponses, Cardus s’est associé à l’Institut Angus Reid pour mener un sondage en février 2024, avec la collaboration de la Société biblique canadienne 1 1 Pour des études connexes, voir A. Bennett, « The Bible and Us: Canadians and Their Relationship with Scripture », Cardus, 2023, https://www.cardus.ca/research/faith-communities/reports/the-bible-and-us-canadians-and-their-relationship-with-scripture/ ; Institut Angus Reid, « The Sacred Texts: Canadian Perspectives on the Bible, Qu’ran, Torah, and Their Place in Modern Society », décembre 2022, https://angusreid.org/canada-religion-sacred-texts-bible-quran-torah ; et R. Pennings et J. Los, « The Shifting Landscape of Faith in Canada », Cardus, 2022, https://www.cardus.ca/research/faith-communities/reports/the-shifting-landscape-of-faith-in-canada/. . Cette enquête s’est inspirée de démarches semblables aux États-Unis, dont celle des Ligonier Ministries et de LifeWay Research, d’une part, et celle du Pew Research Center 2 2 Ligonier Ministries et LifeWay Research, « The State of Theology », https://thestateoftheology.com/ ; Pew Research Center, « What Americans Know about Religion », https://www.pewresearch.org/religion/2019/07/23/what-americans-know-about-religion/. .
Le sondage de Cardus comprend deux parties. Les questions de la première ont servi à situer chaque répondant sur le Continuum de la spiritualité, à savoir une représentation de la religiosité élaborée par Cardus et l’Institut Angus Reid au fil de recherches précédentes (nous revenons sur ce continuum, plus bas). Celles de la seconde ont servi à confronter les croyances de chaque répondant avec les croyances que le christianisme a historiquement affirmées et que certaines églises promeuvent encore.
Le titre du rapport, « Toujours chrétiens (?) », doit s’entendre de deux façons. D’une part, comme le montre l’étude, bien des Canadiens se disant chrétiens ne partagent pas les croyances historiques du christianisme ou de leur église, d’où le point d’interrogation : est-il exact de dire que ces gens sont toujours chrétiens si leurs croyances ne correspondent pas à ce qu’enseigne la tradition de leur église ? D’autre part, comme le montre aussi l’étude, malgré l’incohérence ou la désunion entre ce à quoi ils croient et ce qu’enseigne la tradition de leur église, ces gens s’estiment toujours liés à leur confession religieuse et, en ce sens, ils sont « toujours chrétiens ». À la question « Quel groupe parmi les suivants décrit le mieux votre identité religieuse ? », ils ont répondu en choisissant, dans la liste offerte, une confession chrétienne plutôt qu’une autre religion ou l’option « Aucune identité religieuse ». Ce n’est pas rien.
La méthodologie
L’échantillon
Du 20 au 25 février 2024, l’Institut Angus Reid a sondé en ligne un échantillon aléatoire représentatif de 2 026 adultes canadiens membres du Forum Angus Reid. Cet échantillon a été pondéré en fonction des plus récentes données de recensement de Statistique Canada, à l’exception de la taille des échantillons régionaux, (dont 517 répondants au Québec), non pondérés 3 3 Pour une présentation plus complète de l’exercice de pondération et de la taille des échantillons de la population générale, voir Institut Angus Reid, « Is There Life after Death? Majority of Canadians Believe They May Have More Than One Life to Live », mars 2024, https://angusreid.org/do-canadians-believe-life-after-death-afterlife-reincarnation/. Comme certains nombres sont arrondis, il se peut que la somme des pourcentages dans le rapport ne soit pas toujours égale à 100. .
Pour avoir plus de chrétiens de moins de 40 ans qui assistent à un service religieux au moins une fois par semaine, il a fallu recruter des membres additionnels du Forum Angus Reid jusqu’à ce que 147 répondants en tout respectent ces critères.
En fin de compte, l’échantillon a généré, pour étude, 1 035 répondants (51 %) s’identifiant comme chrétiens. De ce nombre, 48 % (493) s’identifiaient comme catholiques romains, 26 % (266) comme protestants traditionnels (qu’on appelle « mainline Protestant » en anglais) et 20 % (204) comme évangéliques. De minuscules pourcentages de répondants s’identifiaient autrement, et ce rapport les omet lorsqu’il catégorise les réponses des trois grands groupes.
Les réponses des 1 035 personnes, dont les 147 mentionnées plus haut, qui s’identifient toutes comme chrétiennes, font l’objet de ce rapport. Le questionnaire utilisé figure en annexe.
Les choix de réponses proposés pour répartir les répondants entre les différentes confessions ou traditions chrétiennes sont ceux de Statistique Canada ; ils correspondent aux choix employés dans de précédents sondages faits pour Cardus. Chaque répondant ayant répondu « Église protestante traditionnelle » ou « Église évangélique » a été invité, par une sous-question, à sélectionner dans une liste la confession ou la tradition représentant le mieux la sienne. Cette seconde liste comprenait des confessions que les chercheurs classent d’ordinaire au sein du protestantisme traditionnel ou de l’évangélisme 4 4 Dans cette étude-ci, à la différence de ce qui a été fait dans l’étude « The Bible and Us », l’Église des Saints des derniers jours et les Témoins de Jéhovah ne sont pas inclus dans les données—réparties entre catholiques, protestants traditionnels et évangéliques—ni dans les groupes du Continuum de la spiritualité. . Il faut savoir que certaines personnes, membres d’églises que les chercheurs rangent habituellement au sein du protestantisme traditionnel, peuvent préférer s’identifier comme évangéliques, et vice versa. Certains anglicans, par exemple, se considèrent comme des évangéliques, même si les chercheurs classent normalement l’anglicanisme dans le protestantisme traditionnel. Cette sous-question éclaire donc les chercheurs sur ces autoidentifications, mais, dans le rapport, les répondants sont regroupés en fonction de ce qu’ils ont choisi à la question principale. Ainsi, le répondant ayant sélectionné « Église protestante traditionnelle » à la question principale, puis « Église anglicane » à la sous-question, a été rangé dans le groupe de l’Église protestante traditionnelle. De même, le répondant ayant sélectionné « Église évangélique » à la question principale, puis « Église anglicane » à la sous-question, a été classé dans le groupe de l’Église évangélique.
Le Continuum de la spiritualité
Les questions de la première partie du sondage composent l’index du Continuum de la spiritualité, élaboré par Cardus et l’Institut Angus Reid pour nuancer le tableau de l’identité religieuse des Canadiens et de leur vie spirituelle 5 5 Institut Angus Reid, « A Spectrum of Spirituality: Canadians Keep the Faith to Varying Degrees, But Few Reject It Entirely », 13 avril 2017, https://angusreid.org/religion-in-canada-150/ ; Pennings et Los, « The Shifting Landscape of Faith in Canada », 22–23. .
Imaginons deux personnes qui choisiraient « Protestantisme » en réponse à un sondage sur leur religion. L’une d’elles ferait ce choix parce qu’elle a été baptisée dans une église protestante, mais, pour le reste, elle n’est nullement engagée dans la vie de cette confession. L’autre le ferait parce qu’elle suit les enseignements de son église et assiste à l’office chaque semaine. Le Continuum de la spiritualité entend révéler ce type de distinction dans les manières dont les Canadiens comprennent leur rapport au religieux, d’une part, et, de l’autre, explorer les fonctions des croyances religieuses et de la spiritualité au quotidien.
Les questions qu’il soulève sur les croyances et pratiques d’une personne sont nombreuses :
- cette personne croit-elle en Dieu ou en une puissance supérieure?
- croit-elle en la vie après la mort?
- juge-t-elle important qu’un parent instruise ses enfants au sujet de ses croyances religieuses?
- à quelle fréquence, s’il y a lieu, ressent-elle la présence de Dieu?
- à quelle fréquence, s’il y a lieu, prie-t-elle Dieu ou une puissance supérieure?
- à quelle fréquence, s’il y a lieu, lit-elle la Bible ou un autre texte sacré?
- à quelle fréquence, s’il y a lieu, assiste-t-elle à un service religieux autre qu’un mariage ou des funérailles 6 6 Les répondants ayant indiqué ne pas penser ou ne pas croire que Dieu ou une puissance supérieure existe se sont fait poser une question supplémentaire au sujet de leur rapport à la foi ou à la spiritualité. ?
Sur la base de ses réponses, chaque personne se voit placée dans l’une des quatre catégories formant un continuum : sans religion ; en recherche spirituelle ; croyants discrets ; et pratiquants engagés. En date du printemps 2022, par exemple, le continuum montre non seulement que 18 % des Canadiens se disent protestants, mais que 10 % de ceux-ci sont sans religion, 56 % sont en recherche spirituelle, 25 % sont croyants discrets et 9 % sont pratiquants engagés.
Le continuum a été pensé pour incorporer un éventail très vaste de fois et de spiritualités relevant des principales traditions religieuses au Canada. Il faut néanmoins se souvenir que certains des indicateurs de l’indice sont moins efficaces pour mesurer l’engagement des croyants le cas des religions insistant moins, par exemple, sur les pratiques religieuses institutionnelles ou sur les textes sacrés. Toutefois, comme le présent rapport porte seulement sur les répondants chrétiens, cette limite n’a guère d’importance.
Les questions sur les croyances et pratiques chrétiennes
Dans la seconde partie du sondage, on a demandé aux répondants d’indiquer jusqu’à quel point ils étaient d’accord avec une série d’énoncés. Les choix de réponses étaient « tout à fait d’accord », « moyennement d’accord », « moyennement en désaccord », « tout à fait en désaccord » et « je ne suis pas certain / je ne peux pas dire ». Les énoncés, formulés dans une langue simple, exprimaient soit des croyances qu’on retrouve dans les symboles et credos communs au christianisme tels que celui de Nicée ou celui des Apôtres, qui sont les affirmations de la doctrine chrétienne les plus communes, soit des pratiques ou une morale qui, historiquement, ont fait large consensus parmi les traditions ou églises chrétiennes. Le but, en renvoyant à ces points dans la rédaction des énoncés, était d’atténuer le plus possible les partis pris ou les biais en faveur d’une tradition ou d’une église en particulier.
Plusieurs énoncés additionnels ont servi à évaluer le degré d’accord des répondants avec des doctrines professées par certaines des principales branches de la foi chrétienne, notamment en ce qui concerne la Vierge Marie, l’eucharistie (aussi appelé le repas du Seigneur ou la Cène) ou la Bible comme première source de connaissances sur la foi.
Les résultats
Dans les sections qui suivent, l’appellation de « chrétiens pratiquants engagés » désigne tous les répondants qui s’identifient comme chrétiens et que les chercheurs ont placés dans le groupe « pratiquants engagés » du Continuum de la spiritualité sur la base de leurs réponses aux questions de la première partie. Ce groupe comprend des catholiques, des protestants traditionnels, des évangéliques et d’autres chrétiens. Quand le rapport mentionne les « catholiques », les « protestants traditionnels » ou les « évangéliques », il désigne les répondants qui se sont identifiés comme tels, sans égard à leur emplacement sur le Continuum de la spiritualité.
« Dieu est tout puissant, omniscient et à l’abri de l’erreur. »
La presque totalité (97 %) des chrétiens pratiquants engagés sont d’accord avec cette croyance fondamentale. L’énoncé obtient l’aval de 43 % des catholiques, 48 % des protestants traditionnels et 88 % des évangéliques.
« Il n’y a qu’un seul vrai Dieu en trois personnes : Père, Fils et Esprit saint. »
Cet énoncé exprime la doctrine chrétienne de la Trinité, qui figure dans les écrits fondamentaux de diverses églises, par exemple :
Il n’y a qu’un seul Dieu vivant et vrai […]. Et dans l’unité de cette Divinité, il y a trois Personnes, d’une même substance, d’une même puissance et d’une même éternité, le Père, le Fils et le Saint-Esprit 7 7 Église d’Angleterre, « Articles de religion », dans Le livre des prières publiques, 1928, art. I, http://justus.anglican.org/resources/bcp/French1789/Fr1789Articles_Religion.htm. .
Q. – Puisqu’il n’est qu’un seul Être divin, pourquoi en nommes-tu trois : le Père, le Fils et le Saint-Esprit ?
R. – Parce que Dieu s’est révélé de telle manière dans sa Parole que ces trois personnes distinctes sont le seul Dieu vrai et éternel 8 8 Canadian Reformed Theological Seminary, « Catéchisme de Heidelberg », 8e dimanche, 25, https://heidelberg-catechism.s3.amazonaws.com/HC-French.pdf. .
Aimons-nous les uns les autres, afin que dans un même esprit nous confessions : le Père, le Fils et le Saint Esprit, Trinité consubstantielle et indivisible 9 9 « La divine liturgie de saint Jean Chrysostome », https://www.sagesse-orthodoxe.fr/wp-content/uploads/2011/07/Divine-Liturgie-de-St-Jean-Chrysostome-AEOF-en-fr.pdf. .
Cette fois encore, la presque totalité (96 %) des chrétiens pratiquants engagés se disent d’accord avec l’énoncé—et même tout à fait d’accord à 90 %. Parmi l’ensemble des chrétiens, en revanche, les avis divergent beaucoup. Les évangéliques sont ceux dont l’opinion générale rejoint le plus celle des pratiquants engagés. Ils sont 89 % à être d’accord avec l’énoncé, contre à peine 51 % des catholiques et 57 % des protestants traditionnels. Par comparaison, un cinquième des catholiques (21 %), 16 % des protestants traditionnels et 5 % des évangéliques répondent « je ne suis pas certain / je ne peux pas dire ».
« Toutes les religions, dont le christianisme, le judaïsme et l’islam, sont tout aussi vraies. »
La croyance voulant que le christianisme soit la seule vraie foi s’exprime diversement, par exemple :
Nous croyons en […] l’Église, une, sainte, catholique et apostolique 10 10 « Symbole de Constantinople (381) », traduction de Marie-Théodore Guyot, https://fr.wikisource.org/wiki/Symbole_de_Constantinople_(%C3%A9d._Guyot). .
Nous croyons […] que la justification est par la foi seule dans le tout-suffisant sacrifice et la résurrection du Seigneur Jésus-Christ 11 11 Associations d’églises baptistes évangéliques au Québec, « Notre confession de foi », https://www.aebeq.qc.ca/association/confession-de-foi/. .
Q. —Tous les hommes sont-ils donc sauvés en Christ comme ils étaient tous perdus en Adam ?
R. —Non ! Mais ceux-là seulement qui lui sont incorporés par une vraie foi et s’approprient tous ses bienfaits.
Q. —Qu’est-ce qu’une vraie foi ?
R. —C’est une connaissance certaine par laquelle je tiens pour vrai tout ce que Dieu nous a révélé par sa Parole 12 12 Canadian Reformed Theological Seminary, « Catéchisme de Heidelberg », 7e dimanche, 20–21. .
Déjà, le sondage « The Bible and Us » avait tâté ce terrain. Ses répondants s’étaient fait demander s’ils étaient d’accord ou non cet énoncé : « Les Écritures de toutes les grandes religions du monde enseignent essentiellement la même chose » [“The scriptures of all major world religions teach essentially the same things”]. Or, les résultats avaient révélé l’existence d’un fossé entre les évangéliques d’un côté, d’accord à 35 % avec l’énoncé, et les catholiques et les protestants traditionnels de l’autre, d’accord à 66 % et 65 % respectivement avec lui 13 13 Institut Angus Reid, « The Sacred Texts ». .
Le présent sondage laisse voir une division similaire : 20 % des évangéliques sont d’accord que toutes les religions sont également vraies, contre 54 % des catholiques et 57 % des protestants traditionnels. Chose un peu étonnante, plus d’un quart (26 %) des chrétiens pratiquants engagés sont d’accord avec l’énoncé.
« Jésus occupait plusieurs rôles, comme maître enseignant et prophète, mais il n’était pas Dieu incarné. »
L’énoncé visait à découvrir ce que les répondants croient au sujet de la doctrine de l’Incarnation. Ici encore, les résultats ont étonné les chercheurs, puisque près du quart (23 %) des chrétiens pratiquants engagés sont d’accord. Le décalage entre les évangéliques, d’un côté, et les catholiques et les protestants traditionnels, de l’autre, est évident ici comme plus tôt, quoique le taux d’évangéliques en accord avec l’énoncé soit surprenant. Un quart (26 %) des évangéliques sont d’accord avec l’énoncé, comparativement à 54 % des catholiques et 58 % des protestants traditionnels. Les répondants ne sachant pas sur quel pied danser sont plus nombreux chez les catholiques qu’ailleurs : près d’un cinquième (19 %) d’entre eux répond « je ne suis pas certain / je ne peux pas dire ».
« La résurrection de Jésus-Christ est un événement historique qui s’est réellement produit au 1er siècle. »
Cet énoncé rallie la vaste majorité des chrétiens pratiquants engagés : 90 % sont d’accord, et 79 % le sont même tout à fait. L’énoncé obtient l’aval de 81 % des évangéliques, 48 % des catholiques et 55 % des protestants traditionnels. Un quart des catholiques (23 %) et des protestants traditionnels (25 %) répondent « je ne suis pas certain / je ne peux pas dire ».
Fait à noter, quand on fractionne les résultats selon les groupes d’âge, on s’aperçoit que les chrétiens de 18 à 34 sont plus enclins (68 %) à être d’accord avec l’énoncé que ceux de 55 ans ou plus (56 %). Inversement, ils sont moins portés (16 %) à choisir « je ne suis pas certain / je ne peux pas dire » que ceux de 35 à 54 ans (23 %) et de 55 ans ou plus (22 %).
Un précédent sondage d’Angus Reid pour Cardus avait révélé qu’environ 18 % des 18 à 34 ans étaient pratiquants engagés, soit un peu plus que la moyenne de 16 % pour l’ensemble des groupes du Continuum de la spiritualité, mais aussi qu’ils étaient plus enclins (environ 25 %) à être sans religion que la moyenne (19 %) des quatre groupes 14 14 Pennings et Los, « The Shifting Landscape of Faith in Canada », figure 6. . Dans le présent sondage, 39 % des chrétiens de la plus jeune cohorte se disent pratiquants engagés, contre 20 % de leurs homologues de 55 ans ou plus, sans différence significative des taux de chrétiens sans religion d’une cohorte à l’autre. Les résultats de cette comparaison des réponses entre groupes d’âge méritent plus d’attention.
« Dieu a créé les humains, en tant qu’homme et femme. »
La quasi-totalité (95 %) des chrétiens pratiquants engagés est d’accord avec l’énoncé. Répartis selon la confession, les répondants sont d’accord aux deux tiers chez les catholiques (65 %) et les protestants traditionnels, et presque unanimement (90 %) chez les évangéliques.
« L’Esprit saint est une force, mais ce n’est pas une personne. »
Le christianisme en tous genres abonde en symboles, professions de foi et catéchismes qui mentionnent la personne de l’Esprit saint. Les chrétiens pratiquants engagés sont d’accord avec l’énoncé à 41 %. Près des deux tiers des catholiques (62 %) et des protestants traditionnels (61 %) le sont aussi, contre un tiers des évangéliques (34 %).
« Après leur décès, les gens seront jugés par Dieu et iront soit au paradis, soit en enfer. »
Divers symboles et catéchismes expriment cette croyance 15 15 Libreria Editrice Vaticana, Compendium du catéchisme de l’Église catholique, Vatican, 2005, para. 205 et suiv., https://www.vatican.va/archive/compendium_ccc/documents/archive_2005_compendium-ccc_fr.html ; Presbyterian Church in America, « The Confession of Faith », dans The Westminster Confession of Faith and Catechisms, Lawrenceville, The Orthodox Presbyterian Church, 2007, 147–48, https://www.pcaac.org/wp-content/uploads/2022/04/WCFScripureProofs2022.pdf. . La grande majorité (87 %) des chrétiens pratiquants engagés sont d’accord avec l’énoncé. Les évangéliques sont globalement d’accord à 82 %, et même tout à fait d’accord à 65 %. De nouveau, le fossé entre ce groupe et les autres saute aux yeux. Chez les catholiques comme les protestants traditionnels, les adhérents et les opposants à l’énoncé sont presque égaux : parmi les premiers, 40 % sont d’accord et 45 %, en désaccord ; parmi les seconds, 41 % sont d’accord et 40 %, en désaccord. Les 15 % de catholiques et 18 % de protestants traditionnels qui restent ont répondu « je ne suis pas certain / je ne peux pas dire ».
« La Bible est ma principale source de connaissances sur Dieu et les enseignements du christianisme. »
Les trois grandes branches de la foi chrétienne acceptent la Bible comme source principale de la révélation divine. Les catholiques voient dans la Bible et la Tradition des sources sœurs qui donnent à leur église son autorité, y compris celle d’interpréter la Bible authentiquement 16 16 Catholic Answers, « Scripture and Tradition », https://www.catholic.com/tract/scripture-and-tradition. . Pour la plupart des protestants, la Bible seule (sola scriptura) est l’unique autorité en matière de foi chrétienne.
Les chrétiens pratiquants engagés sont d’accord avec l’énoncé à 93 %. La grande majorité des évangéliques (87 %) et un peu plus de la moitié des protestants traditionnels (56 %) sont d’accord, tandis que les catholiques sont divisés à peu près également entre l’accord (47 %) et le désaccord (46 %).
« La Vierge Marie a été conçue à l’abri du péché originel, afin de pouvoir enfanter Jésus-Christ. »
L’énoncé paraphrase la doctrine de l’Immaculée Conception 17 17 Libreria Editrice Vaticana, Catéchisme de l’Église catholique, 2003, para. 491, https://www.vatican.va/archive/FRA0013/__P1H.HTM. . Comme l’Église catholique en a fait un enseignement officiel, tous ses fidèles doivent la proclamer 18 18 Pie IX, Ineffabilis Deus, Agenzia Fides, https://www.fides.org/fr/news/2543-Ineffabilis_Deus_de_Pie_IX_Bulle_de_proclamation_du_dogme_de_l_Immaculee_Conception_8_decembre_1854. .
En conséquence, on se serait attendu à ce que l’énoncé soit un point de discorde entre les catholiques et les deux autres groupes. Or, il en va tout autrement. Les catholiques sont d’accord à 42 % et en désaccord à 36 %. Près d’un quart (22 %) d’entre eux répond « je ne suis pas certain / je ne peux pas dire ». Par contraste, 35 % des protestants traditionnels et 32 % des évangéliques disent être d’accord avec l’énoncé. Chose intéressante, plus d’un quart des protestants traditionnels (28 %) répondent « je ne suis pas certain / je ne peux pas dire ».
« Le pain et le vin de l’Eucharistie / la sainte communion / la Cène ne sont qu’un symbole du corps et du sang de Jésus-Christ. »
Les églises chrétiennes ne s’entendent pas sur le sens de ce sacrement. L’Église catholique enseigne la présence réelle du Christ dans le pain et le vin consacrés, lesquels changent de substance et non de forme visible : c’est la transsubstantiation. Sur ce point, les églises protestantes diffèrent. Certaines églises protestantes traditionnelles et évangéliques, comme les confessions baptistes et pentecôtistes, enseignent que le repas du Seigneur est une commémoration symbolique 19 19 H. Bethel, « What Baptists Believe about Communion », Christian.Net, 25 février 2024, https://christian.net/theology-and-spirituality/what-baptists-believe-about-communion/ ; D. Schuster, « Why Do Pentecostals Take Communion », Christian.Net, 24 février 2024, https://christian.net/theology-and-spirituality/why-do-pentecostals-take-communion/ ; Ligonier Ministries, « The Lord’s Supper as Remembrance », 18 octobre 2017, https://www.ligonier.org/learn/devotionals/lords-supper-remembrance ; Church of the Nazarene. « Articles of Faith », dans Manual: 2017–2021, Kansas City, Nazarene Publishing House, 2017, https://2017.manual.nazarene.org/section/articles-of-faith/page/2/. .
Les catholiques sont d’accord avec l’énoncé—et donc en désaccord avec un enseignement officiel de leur église—à 69 %. Il est particulièrement frappant de noter que 41 % des catholiques disent être « tout à fait d’accord » avec l’idée voulant que l’Eucharistie soit une simple représentation symbolique du corps et du sang du Christ, et que 28 % sont « moyennement d’accord » avec elle. Les protestants traditionnels les évangéliques sont d’accord avec l’énoncé à 71 % et 86 %, respectivement, des résultats plus conformes aux idées généralement défendues au sein de ces deux branches du christianisme. Quant aux chrétiens pratiquants engagés, ils sont 82 % à se dire d’accord.
« Les enseignements moraux chrétiens devraient évoluer en fonction des changements dans les attitudes de la société. »
Un nouveau clivage s’observe entre les croyances des évangéliques, d’une part, et celles des protestants traditionnels et des catholiques, d’autre part. Les deux tiers (65 %) des évangéliques sont en désaccord avec l’énoncé, mais presque les trois quarts (72 %) des catholiques et près des deux tiers (61 %) des protestants traditionnels, au contraire, sont d’accord. Quant aux chrétiens pratiquants engagés, le tiers (32 %) d’entre eux se disent d’accord.
« Au cours des six derniers mois, j’ai aidé activement des gens dans le besoin, comme ceux qui sont malades, pauvres, en prison ou marginalisés. »
Un précédent sondage commandité par Cardus et commenté dans le rapport « The Bible and Us » avait avancé l’hypothèse qu’existait un lien entre la lecture régulière de textes sacrés, comme la Bible, et l’engagement altruiste—quelle que soit l’appellation qu’on lui donne : activités de bienfaisance, œuvres de miséricorde, justice sociale, etc. En effet, les répondants s’étant adonnés à la lecture d’un texte sacré dans les années précédentes avaient été plus portés à agir pour le bien des autres que les répondants ne s’y étant pas adonnés. Parmi ceux qui avaient fait ce genre de lecture, 65 % avaient aidé un étranger dans le besoin lors des derniers mois, 48 % avaient donné de leur temps et 68 % avaient fait un don de bienfaisance. Par contraste, les taux correspondants des répondants n’ayant pas fait de genre de lecture se chiffraient à 51 %, 33 % et 53 % respectivement 20 20 Bennett, « The Bible and Us », 9. .
Si l’on revient au présent sondage, 80 % des chrétiens pratiquants engagés sont d’accord avec l’énoncé, mais une majorité de chrétiens, sans égard à leur emplacement sur le Continuum de la spiritualité, sont d’accord eux aussi : les catholiques à 57 %, les protestants traditionnels à 67 % et les évangéliques à 71 %.
« C’est le gouvernement, et non l’Église, qui est responsable de prendre soin des pauvres, des itinérants et des réfugiés. »
Les chrétiens pratiquants engagés sont en désaccord avec l’énoncé à 60 %. Situation identique chez les évangéliques. En comparaison, les deux tiers des catholiques (67 %) et plus de la moitié des protestants traditionnels sont d’accord avec l’énoncé. À qui incombe la responsabilité d’aider les plus vulnérables d’entre nous ? Les résultats ci-dessus témoignent d’un clivage sur cette question, surtout entre évangéliques et catholiques.
Si la majorité des catholiques et des protestants traditionnels est intervenue auprès des personnes dans le besoin lors des six derniers mois, comme on l’a vu en commentant l’énoncé précédent, cette majorité, dans les deux branches, est aussi d’avis que la responsabilité incombe d’abord à l’État.
« Les rapports sexuels en dehors du mariage sont acceptables lorsque deux personnes s’aiment et sont engagées l’une envers l’autre. »
L’Église catholique et la plupart des églises évangéliques enseignent toujours que l’activité sexuelle est seulement admissible au sein d’un mariage hétérosexuel et monogame. Or, cette façon des églises chrétiennes de comprendre le mariage et la sexualité s’est vue remise en question, surtout depuis le début de la révolution sexuelle dans les années 1960. Ces dernières années, l’Église unie du Canada, l’Église presbytérienne du Canada, l’Église anglicane du Canada et quelques autres églises protestantes traditionnelles ont révisé leur enseignement pour accepter les unions homosexuelles et institué une liturgie pour la célébration du mariage homosexuel 21 21 Diocèse de Toronto, « Pastoral Guidelines for Same-Sex Marriages », Église anglicane du Canada, 2016, https://www.toronto.anglican.ca/wp-content/uploads/2020/05/pastoral_guidelines_marriage_2016.pdf ; Église presbytérienne du Canada, « A Service of Christian Marriage—Marriage between Two Adults », https://presbyterian.ca/worship/book-of-common-worship/ ; Église évangélique luthérienne du Canada, « Delegates to 2011 ELCIC National Convention Approve Motions on Unity, Same-Sex Blessings and Qualifications for Ordination », 17 juillet 2011, https://elcic.ca/2011/07/17/delegates-to-2011-elcic-national-convention-approve-motions-on-unity-same-sex-blessings-and-qualifications-for-ordination/. .
En août 2020, un sondage du Pew Research Center auprès des chrétiens américains a révélé que, pour 57 % de ceux qui se disaient pratiquants, il était toujours ou parfois acceptable que des adultes consentants aient des relations sexuelles au sein d’une relation stable et sérieuse, peu importe qu’ils le fassent eux-mêmes ou non. En outre, 50 % des répondants considéraient qu’entre adultes consentants, le sexe pour le sexe était toujours ou parfois acceptable. À l’échelle des trois branches, 62 % des catholiques, 54 % des protestants traditionnels et 36 % des évangéliques jugeaient que les relations sexuelles de ce genre étaient acceptables 22 22 J. Diamant, « Half of U.S. Christians Say Casual Sex between Consenting Adults is Sometimes or Always Acceptable », Pew Research Center, 31 août 2020, https://www.pewresearch.org/short-reads/2020/08/31/half-of-u-s-christians-say-casual-sex-between-consenting-adults-is-sometimes-or-always-acceptable/. .
L’énoncé employé dans le présent sondage est formulé différemment de celui du Pew Research Center, mais 79 % des catholiques et 78 % des protestants traditionnels sont d’accord avec lui, alors que les évangéliques, à l’inverse, sont en désaccord dans une proportion de 68 %. C’est chez les catholiques que le décalage avec l’enseignement officiel sur le sujet est le plus grand. Quant aux chrétiens pratiquants engagés, ils sont 63 % à se dire d’accord.
Fait à noter, seuls 60 % des chrétiens de 18 à 34 ans sont d’accord avec l’énoncé, contre 64 % des 35 à 54 ans et 74 % des 55 ans ou plus. Ces données soulèvent une importante question, qui méritera peut-être qu’on y revienne un jour : les conclusions annoncent-elles un retour générationnel à une conception plus traditionnelle de la morale sexuelle ?
« L’avortement est le meurtre d’un être humain qui n’est pas encore né. »
Cet énoncé exprime la position de l’Église catholique et de la plupart des églises évangéliques 23 23 Libreria Editrice Vaticana, Catéchisme de l’Église catholique, 2003, para. 2270–72, https://www.vatican.va/archive/FRA0013/__P7U.HTM . Au sein du protestantisme traditionnel, en revanche, les églises défendent toute une panoplie de positions.
Les chrétiens pratiquants engagés sont d’accord avec l’énoncé à 86 %. La plupart des catholiques semblent rejeter l’enseignement de leur Église sur cette question, car à peine 39 % d’entre eux sont d’accord avec l’énoncé. Les protestants traditionnels, eux, sont d’accord à 45 %. Quant aux évangéliques, ils sont d’accord à 82 %, ce qui est globalement cohérent avec l’enseignement de la majorité de leurs églises.
« Prier régulièrement de manière personnelle, lire la Bible, prier le chapelet ou faire d’autres actes de dévotion personnelle, c’est un élément essentiel de ma vie chrétienne. »
La pratique de christianisme est multiforme : assistance à des offices religieux, participation à des activités de bienfaisance, accomplissement d’actions intimistes relevant de la dévotion personnelle, etc. C’est à ces dernières que se rapporte l’énoncé. Les chrétiens pratiquants engagés sont presque unanimement d’accord (96 %) avec l’énoncé—et même tout à fait d’accord aux trois quarts (74 %). Le clivage usuel entre catholiques et protestants traditionnels, d’un côté, et évangéliques, de l’autre, s’observe ici encore : les premiers conviennent à 41 % et à 40 %, respectivement, que la dévotion personnelle est une partie essentielle de leur vie chrétienne, mais, chez les seconds, ce taux grimpe à 84 %.
« Je n’ai pas besoin d’aller à l’église pour être considéré comme un chrétien fidèle. »
Depuis les premiers jours de la foi chrétienne, les fidèles se sont réunis le dimanche pour rendre culte, enseigner, prier, fraterniser et, dans le cas de certaines églises, participer à l’Eucharistie, la communion 24 24 Ibid., para. 2177. . L’enseignement officiel de l’Église catholique stipule que c’est un péché mortel de ne pas assister à la messe du dimanche ou d’un jour de fête de précepte, comme Noël 25 25 Ibid., para. 2180. . L’un des Pères de l’Église, saint Jean Chrysostome, a clairement affirmé que la prière domestique ne remplaçait pas l’assistance à l’office dominical :
On peut, il est vrai, prier à la maison, mais on ne peut y prier aussi efficacement qu’à l’église, où la multitude des Pères spirituels est si nombreuse ; où de tous les cœurs montent vers Dieu les supplications [et où vous trouverez] ce que vous ne trouvez pas dans vos maisons : l’union des cœurs et des voix, le lien de la charité, la prière des prêtres 26 26 Jean Chrysostome, Troisième homélie : de l’incompréhensibilité de la nature de Dieu, https://www.bibliotheque-monastique.ch/bibliotheque/bibliotheque/saints/chrysostome/homt2/anomeens/anomeens03.htm. .
Compte tenu de l’ancienneté de cette pratique, il est frappant que plus de la moitié des répondants pratiquants engagés (56 %) soient d’accord qu’il n’est pas nécessaire d’aller à l’église pour être un chrétien fidèle. Les catholiques sont d’accord à 77 %, et même tout à fait d’accord à 51 %. Une forte majorité (85 %) de protestants traditionnels est aussi d’accord. Même les évangéliques le sont, à 61 %.
« Pour moi, en tant que chrétien, il est essentiel d’encourager les autres à marcher dans la vérité de Jésus-Christ. »
Cet énoncé visait à découvrir les croyances des répondants au sujet de l’apostolat et du missionnariat. Le christianisme a toujours activement cherché les conversions. Cette commande lui vient directement de Jésus, qui somma ses disciples en ces termes : « Allez donc : de toutes les nations faites des disciples 27 27 Mt 28, 19–20. . »
Vu l’importance que le christianisme accorde aux missions, il ne faut pas s’étonner que 89 % des chrétiens pratiquants engagés soient d’accord avec l’énoncé. De même, 83 % des évangéliques sont d’accord, dont 55 % qui le sont tout à fait. L’impulsion missionnaire et le désir de s’exprimer ouvertement sur Jésus-Christ rallient toutefois assez peu les catholiques et les protestants traditionnels : les premiers sont d’accord à 30 % avec l’énoncé et les seconds, à 34 %. Seule une petite minorité de catholiques et de protestants traditionnels, 12 % dans chacun des cas, sont tout à fait d’accord qu’il est essentiel pour eux d’encourager les autres à adopter leur foi.
Notons aussi la différence entre la cohorte de 18 à 34 ans et celles de 35 ans ou plus : parmi les jeunes, une majorité claire (57 %) est d’accord qu’il est essentiel d’encourager les autres à adopter la foi chrétienne, une position que partagent seuls 43 % des 35 à 54 ans et 36 % des 55 ans ou plus.
Le cas du Québec
Le catholicisme a longtemps été l’un des marqueurs identitaires du Canada français. Or, pendant la Révolution tranquille des années 1960, la présence de la religion (pratique, croyances, fréquentation des églises) a dramatiquement chuté au Québec. Ce déclin n’a jamais cessé depuis. Selon Statistique Canada, en 1985, 51 % des catholiques du Québec de 15 ans ou plus participaient à une activité religieuse de groupe au moins une fois par mois, mais, en 2019, ils n’étaient plus que 14 % à le faire. Par comparaison, à l’échelle du Canada, ils étaient 25 %, soit onze points de pourcentage de plus 28 28 L. Cornelissen, « La religiosité au Canada et son évolution de 1985 à 2019 » (28 octobre 2021), https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/75-006-x/2021001/article/00010-fra.htm. .
Compte tenu du grand écart, en 2019, entre les catholiques du Québec et ceux de l’ensemble du Canada, nous avons séparé les réponses des catholiques sur une base régionale au moment d’examiner les données du sondage. 29 29 Malgré un échantillon québécois substantiel (517 répondants), le nombre limité de répondants appartenant à des groupes religieux minoritaires (évangéliques, protestants traditionnels) ne permet pas d’en tirer des résultats fiables à l’échelle provinciale pour ces groupes. En excluant les catholiques du Québec du nombre total de catholiques, il devenait possible de comparer les niveaux d’accord avec les énoncés entre les trois groupes et, du même coup, de vérifier si une « variable Québec » influençait les réponses des catholiques pancanadiens.
Pour certains énoncés, l’exclusion des réponses des catholiques du Québec ne permet pas de discerner de variation significative. C’est le cas, par exemple, du taux d’accord avec ces énoncés : « Toutes les religions, dont le christianisme, le judaïsme et l’islam, sont tout aussi vraies », « Jésus occupait plusieurs rôles, comme maître enseignant et prophète, mais il n’était pas Dieu incarné » et « L’Esprit saint est une force, mais ce n’est pas une personne ».
Pour d’autres énoncés, en revanche, c’est le jour et la nuit. Le taux d’accord des catholiques avec l’énoncé « Après leur décès, les gens seront jugés par Dieu et iront soit au paradis, soit en enfer » grimpe de 41 % à 52 % après exclusion des répondants québécois. Concernant l’énoncé « C’est le gouvernement, et non l’Église, qui est responsable de prendre soin des pauvres, des itinérants et des réfugiés », le taux d’accord des catholiques baisse de 8 % quand on exclut les réponses du Québec. Sur la question de l’avortement, enfin, une infime majorité (51 %) de catholiques sont d’accord avec l’énoncé « L’avortement est le meurtre d’un être humain qui n’est pas encore né » si on exclut ceux du Québec, alors que le taux d’accord des catholiques pancanadiens, rappelons-le, se situe à 39 %.
« Le christianisme, c’est ___________. »
À la fin du sondage, chaque répondant s’est fait poser cette question : « Pour finir, si on vous demandait de décrire la foi chrétienne à quelqu’un qui n’a jamais entendu parler du christianisme, comment termineriez-vous cette phrase : “Le christianisme, c’est ___________.” »
Parmi les chrétiens pratiquants engagés, 38 % mentionnent Dieu ou la croyance en Dieu, et 33 % nomment Jésus ou Jésus-Christ. Quant à ceux qui ne nomment ni Dieu ni Jésus, 10 % font valoir que le christianisme est l’amour ou parlent de s’aimer les uns les autres, sans référence à quelque contexte théologique particulier.
Parmi les chrétiens croyants discrets, 16 % mentionnent Dieu ou la croyance en Dieu, et 11 % nomment Jésus ou Jésus-Christ. La majorité (53 %) répond sans évoquer quelque contexte théologique particulier, mais en mentionnant l’amour, la compassion, la Règle d’or ou une posture morale.
Parmi les chrétiens en recherche spirituelle, 7 % mentionnent Dieu ou la croyance en Dieu, et 11 % nomment Jésus ou Jésus-Christ. Enfin, des 70 répondants sans religion, 6 % mentionnent Dieu ou la croyance en Dieu, et 6 % nomment Jésus ou Jésus-Christ.
Interprétation
Les résultats de l’étude ouvrent la porte à bien des interprétations. D’abord, il semble que les chrétiens pratiquants engagés n’adhèrent pas nécessairement aux croyances ou aux enseignements au cœur du christianisme. Sur certains points, comme la nature de Dieu ou la Résurrection, l’adhésion est forte. Cependant, sur d’autres, un pourcentage surprenant de répondants fait bande à part. Ainsi, 26 % des répondants se disent d’accord que toutes les religions sont également vraies, et pas moins de 41 % sont d’accord que l’Esprit saint est une force plutôt qu’une personne. Il est difficile de savoir ce qu’il faut comprendre de ces résultats, sinon, peut-être, que prier, lire la Bible ou fréquenter son église régulièrement ne signifie pas nécessairement connaître les croyances chrétiennes fondamentales ou y adhérer.
Ensuite, des différences notables existent entre les groupes d’âge. Diverses données dans cette étude-ci et dans d’autres suggèrent que la jeunesse chrétienne est plus résolue ou engagée envers les enseignements et la pratique de la foi que le sont les chrétiens des deux générations précédentes. Quand le christianisme ne va plus de soi dans une société, les jeunes qui choisissent d’être chrétiens choisissent quelque chose de contre-culturel, et il se peut qu’ils soient plus résolus par rapport à leur choix.
Enfin, quelques mots s’imposent sur le degré de concordance entre ce qu’enseignent les églises et ce que croient les individus. Les croyances des évangéliques semblent concorder, grosso modo, avec celles qui sont enseignées dans leurs églises, encore qu’on observe certains points de divergences qui intéresseront sûrement les personnes en autorité au sein de ces églises. Par comparaison, les catholiques se trouvent souvent en porte-à-faux par rapport aux enseignements de leur Église. Cette incohérence, les leaders catholiques peuvent la voir comme une crise, mais c’est aussi une occasion dans le sens où les répondants s’identifient toujours comme catholiques. Un terrain d’entente sur lequel bâtir quelque chose existe donc. Quant aux protestants traditionnels, il est ardu de comparer leurs croyances avec celles qu’enseignent leurs églises, car la diversité doctrinaire au sein de ce groupe exigerait une analyse des données à une échelle plus petite. Cela dit, il semble que le degré d’incohérence entre les croyances individuelles et les principales doctrines protestantes soit passablement élevé.
Annexe : les questions du sondage
- Croyez-vous :
- Que Dieu ou une puissance supérieure existe
- Qu’il y a une vie après la mort
Oui, je le crois réellement
Oui, je le crois
Non, je ne le crois pas vraiment
Non, je ne le crois absolument pas- [Si « Non, je ne le crois pas vraiment » ou « Non, je ne le crois absolument pas » à la Q1] Simplement pour préciser, comment décririez-vous la question générale de votre foi personnelle ou de votre spiritualité ? Diriez-vous :
Vous n’avez pas de sentiments de foi ou de spiritualité
Vous en avez quelques-uns / vous en avez parfois
Vous avez des sentiments de foi ou de spiritualité dans votre vie- À quelle fréquence, environ, faites-vous les choses suivantes :
- Prier Dieu ou une puissance supérieure
- Assister à des cérémonies religieuses (autres que les mariages ou funérailles)
- Ressentir la présence de Dieu
- Lire la Bible ou un autre texte sacré
Jamais
Rarement
Quelques fois par année
Une ou deux foius par mois
Environ une fois par semaine
Quelques fois par semaine
Tous les jours- Êtes-vous d’accord ou non avec l’énoncé suivant :
- Il est important que les parents enseignent des croyances religieuses à leurs enfants.
Tout à fait d’accord
Moyennement d’accord
Moyennement en désaccord
Tout à fait en désaccord- Quel groupe parmi les suivants décrit le mieux votre identité religieuse ?
- Église catholique romaine
- Église protestante traditionnelle (p. ex. Église anglicane, unie, luthérienne, presbytérienne)
- Église évangélique (p. ex. Église baptiste, pentecôtiste, Armée du Salut)
- Église orthodoxe (p. ex. Église russe, grecque, éthiopienne, copte)
- Église des Saints des derniers jours (mormons)
- Témoins de Jéhovah
- Islam
- Hindouisme
- Judaïsme
- Sikhisme
- Bouddhisme
- Aucune identité religieuse
- Autre (veuillez préciser) : __________
- [Si « Église protestante traditionnelle » ou « Église évangélique » à la Q5] Quelle confession vous représente le mieux parmi les choix suivants ? (Si la vôtre ne fait pas partie de notre liste, veuillez l’indiquer.)
- Église adventiste
- Église anglicane
- Association d’églises évangéliques
- Église baptiste du Nazaréen
- Alliance chrétienne et missionnaire (ACM)
- Église évangélique libre
- Église méthodiste libre
- Église luthérienne (ELCIC, LCC, etc.)
- Église mennonite
- Église pentecôtiste
- Église chrétienne des Frères de Plymouth
- Église presbytérienne (y compris PCC, PCA)
- Église réformée (y compris CRC, CRNA, libre, unie, canadienne)
- Armée du Salut
- Église unie
- Église wesleyenne
- Non confessionnel
- Ne sais pas/Autre (veuillez préciser) : __________________
- [Si « Aucune identité religieuse » à la Q5] Êtes-vous :
- Agnostique
- Athée
- Spirituel, sans être religieux
- Rien en particulier
- Autre chose
- Selon quelle tradition religieuse avez-vous été élevé, voire aucune ?
- Église catholique romaine
- Église protestante traditionnelle (p. ex. Église anglicane, unie, luthérienne, presbytérienne)
- Église évangélique (p. ex. Église baptiste, pentecôtiste, Armée du Salut)
- Église orthodoxe (p. ex. Église russe, grecque, éthiopienne, copte)
- Église des Saints des derniers jours (mormons)
- Témoins de Jéhovah
- Islam
- Hindouisme
- Judaïsme
- Sikhisme
- Bouddhisme
- Aucune / pas élevé selon une tradition religieuse
- Autre (veuillez préciser) : __________
- Nous aimerions maintenant connaître votre opinion sur une série d’énoncés à propos des croyances religieuses. Veuillez indiquer si vous êtes d’accord ou non avec ceux-ci :
Tout à fait d’accord
Moyennement d’accord
Moyennement en désaccord
Tout à fait en désaccord
Je ne suis pas certain / je ne peux pas dire
- Dieu est tout puissant, omniscient et à l’abri de l’erreur.
- Il n’y a qu’un seul vrai Dieu en trois personnes : Père, Fils et Esprit saint.
- Toutes les religions, dont le christianisme, le judaïsme et l’islam, sont tout aussi vraies.
- Les enseignements moraux chrétiens devraient évoluer en fonction des changements dans les attitudes de la société.
- Jésus occupait plusieurs rôles, comme maître enseignant et prophète, mais il n’était pas Dieu incarné.
- La résurrection de Jésus Christ est un événement historique qui s’est réellement produit au 1er siècle.
- Dieu a créé les humains, en tant qu’homme et femme.
- L’Esprit saint est une force, mais ce n’est pas une personne.
- La Vierge Marie a été conçue à l’abri du péché originel, afin de pouvoir enfanter Jésus Christ.
- Le pain et le vin de l’Eucharistie / la sainte communion / la Cène ne sont qu’un symbole du corps et du sang de Jésus-Christ.
- Après leur décès, les gens seront jugés par Dieu et iront soit au paradis, soit en enfer.
- La Bible est ma principale source de connaissances sur Dieu et les enseignements du christianisme.
- Au cours des six derniers mois, j’ai aidé activement des gens dans le besoin, comme ceux qui sont malades, pauvres, en prison ou marginalisés.
- C’est le gouvernement, et non l’Église, qui est responsable de prendre soin des pauvres, des itinérants et des réfugiés.
- Les rapports sexuels en dehors du mariage sont acceptables lorsque deux personnes s’aiment et sont engagées l’une envers l’autre.
- L’avortement est le meurtre d’un être humain qui n’est pas encore né.
- Prier régulièrement de manière personnelle, lire la Bible, prier le chapelet ou faire d’autres actes de dévotion personnelle, c’est un élément essentiel de ma vie chrétienne.
- Je n’ai pas besoin d’aller à l’église pour être considéré comme un chrétien fidèle.
- Pour moi, en tant que chrétien, il est essentiel d’encourager les autres à marcher dans la vérité de Jésus-Christ.
- Pour finir, si on vous demandait de décrire la foi chrétienne à quelqu’un qui n’a jamais entendu parler du christianisme, comment termineriez-vous cette phrase : « Le christianisme, c’est ___________. » [Question ouverte]
Références
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Bethel, H. « What Baptists Believe about Communion ». Christian.Net, 25 février 2024. https://christian.net/theology-and-spirituality/what-baptists-believe-about-communion/.
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Church of the Nazarene. « Articles of Faith », dans Manual: 2017–2021. Kansas City, Nazarene Publishing House, 2017. https://2017.manual.nazarene.org/section/articles-of-faith/page/2/.
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Église anglicane. « Articles de religion », dans Le livre des prières publiques, 1928. http://justus.anglican.org/resources/bcp/French1789/Fr1789Articles_Religion.htm.
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